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Editorial du printemps 2025 : "LE MYSTERE DE LA CONSCIENCE" PAR TRINH XUAN THUAN

LE MYSTERE DE LA CONSCIENCE

Trinh Xuan Thuan
Professeur émérite d’astronomie
±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùé de Virginie

Le cerveau humain et la conscience

Il y a quelque 3,9 milliards d’années, les premières cellules de vie ont fait leur entrée en scène sur Terre. Il y a deux à trois millions d’années, les premiers membres du genre Homo (comme Homo habilis) ont commencé à développer des cerveaux plus gros que ceux des australopithèques les précédant. Composé de quatre-vingt-dix milliards de neurones, reliés dans un fantastique réseau de cent mille milliards de connexions synaptiques, le cerveau a permis à la conscience humaine de surgir. Celle-ci est, d’après le Larousse, « la connaissance, intuitive ou réflexive, que chacun a de son existence et celle du monde extérieur ».

La conscience nous permet de nous connaître nous-mêmes et notre environnement, de percevoir des sensations et de réfléchir sur nos expériences. Elle confère à chacun de nous la capacité de ressentir la joie ou le chagrin, l’amour ou la haine, l’émerveillement ou le dégoût, et tous les autres sentiments qui font la saveur de l’existence. Néanmoins, malgré le rôle fondamental de la conscience (encore appelée â³¾±ð ou esprit) dans notre vie, la science n’est pas encore parvenue à élaborer une explication scientifique cohérente et solide de l’expérience consciente. Nous ne comprenons pas l’origine de la conscience, ni comment elle engendre en nous tout un monde intérieur subjectif de couleurs, de sons et de sensations. Comme pour le mystère de la vie, la question se pose pour la conscience : peut-elle s’expliquer par les seules lois connues de la physique, de la chimie et de la biologie, celles qui décrivent si bien le monde objectif extérieur ? Notre sentiment d’émerveillement devant la naissance d’un nouveau-né, notre enchantement face à un tableau de Monet ou notre sentiment du sublime en écoutant « l’Ode à la Joie » de Beethoven, peut-il être réduit à la description de circuits neuronaux, de particules élémentaires ou de courants électrochimiques ? Même si nous devons faire appel à des lois supplémentaires d’auto-organisation et de complexité, qui se situent à un niveau supérieur à celui des lois de la physique qui règlent le comportement des particules élémentaires, cela est-il suffisant pour expliquer la conscience ?

Les scientifiques disposent aujourd’hui de moyens techniques sophistiqués pour mesurer l’activité neuronale, comme l’imagerie par résonance magnétique, ou l’enregistrement d’électroencéphalogrammes pour étudier les impulsions électriques émises par des neurones individuels. Avec cette nouvelle technologie, pourront-ils répondre à la question : l’esprit peut-il naître de la matière ? L’étude de l'apparition de la conscience sur Terre touche non seulement à la science (la neurologie, la physique et la psychologie) mais aussi à la philosophie et aux traditions spirituelles et religieuses.

L’évolution de la conscience à travers les espèces

La conscience est devenue plus sophistiquée à mesure que la vie s’est complexifiée sur Terre. En observant l'évolution des différents groupes d'êtres vivants, des étapes progressives dans la sophistication des formes de conscience peuvent être identifiées. Les formes de vie les plus simples, comme les bactéries, les plantes et certains types d'animaux primaires, ne possèdent pas de conscience dans le sens où nous l'entendons. Mais elles réagissent à des facteurs externes dans leur environnement comme la lumière ou les substances chimiques. Ce comportement réflexe est dû à des processus biologiques conditionnés par l'évolution. Cette conscience instinctive relève d'un mécanisme de survie et de reproduction basé sur des stimuli simples comme rechercher la nourriture, éviter la douleur, ou encore réagir aux variations de température.

Les premiers systèmes nerveux apparaissent chez les animaux simples, notamment dans les cnidaires (méduse, corail, anémone de mer, hydres, etc.), qui possèdent un réseau nerveux primitif. Ces animaux ont une forme de réaction dirigée, mais pas de conscience de soi. Leur système nerveux leur permet d'intégrer des informations provenant de l'environnement et de réagir de manière coordonnée, ce qui peut être vu comme une forme rudimentaire de conscience sensorielle. Viennent ensuite les mollusques et les pieuvres qui ont des cerveaux plus complexes et des systèmes nerveux qui leur permettent d’apprendre et de résoudre des problèmes. Bien que leur conscience ne soit pas identique à celle des humains, elle présente des caractéristiques de flexibilité comportementale et d’adaptation au milieu.

Les vertébrés, et en particulier les mammifères, montrent des signes d’une plus grande complexité mentale. Leur conscience est souvent liée à la gestion de l’émotion et à la résolution de problèmes. La conscience émotionnelle chez certains mammifères (les dauphins, les éléphants et certains oiseaux comme les corbeaux et les perroquets) montre qu'ils peuvent éprouver des états affectifs comme la joie, la peur, la colère, ou la tristesse. Ces émotions sont liées à la survie et à la gestion des relations sociales au sein d’un groupe.

La conscience de soi

La conscience réflexive, la capacité de se percevoir soi-même et d'être conscient de son propre état mental, émerge avec des espèces possédant des cerveaux de plus en plus complexes. Les primates supérieurs, comme les chimpanzés, orangs-outans, et bonobos, sont capables de se reconnaître dans un miroir, ce qui suggère une forme de conscience de soi. Cette conscience réflexive implique également une capacité à comprendre que d'autres individus ont des pensées et des intentions distinctes des siennes.
Ces primates ont montré qu'ils peuvent faire preuve de compassion, de coopération, mais aussi de ruse ou de manipulation sociale. Ces comportements suggèrent non seulement une conscience de soi, mais aussi la capacité de prévoir les actions des autres en fonction de leurs états mentaux.

L'humain représente un stade encore plus avancé de l’évolution de la conscience, avec une conscience réflexive extrêmement développée. L'homme est capable non seulement de penser sur ses propres processus de pensée, mais aussi de réfléchir sur la nature et l’histoire de l’univers, de concevoir des systèmes mathématiques abstraits, de planifier à long terme et de créer des cultures et des sociétés complexes. Il est capable de peindre La Joconde, d’écrire Guerre et Paix et le Mahabharata , de composer La Flute enchantée ou d’ériger le Taj Mahal.

L’empathie humaine s’est aussi développée à un très haut degré, ce qui permet la coopération à grande échelle et la création de sociétés basées sur des valeurs collectives. L’humain développe ainsi une conscience morale, ce qui l’amène à réfléchir à des questions existentielles, philosophiques et spirituelles, comme l'injustice, la souffrance ou le sens de la vie.

Du point de vue biologique, la conscience est donc souvent considérée comme un produit de l'évolution, un phénomène qui a émergé graduellement chez les êtres vivants au fil de milliards d'années d’évolution. La conscience n'est pas considérée comme une propriété immuable de l'univers, mais comme une fonction qui s'est développée au cours des âges pour aider les organismes à mieux interagir avec leur environnement, à s'adapter et à survivre. Ainsi, la conscience ne peut probablement pas être réduite à un simple saut entre des formes de vie rudimentaires et les humains. Elle semble évoluer de manière graduelle, avec des formes simples de réactivité sensorielle chez les organismes primitifs, une plus grande flexibilité comportementale et des formes de réflexion sur soi chez les animaux plus avancés, jusqu'à une conscience de soi profonde et une réflexion sophistiquée sur l'infiniment petit et l’infiniment grand et sur tout autre sujet chez les humains.

Le problème difficile de la conscience

L’étude de la conscience (ou de l’esprit) est aussi vieille que la civilisation elle-même. Le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.-C.) avait une vue « animiste ». Il pensait que l’esprit formait une seule entité avec le corps et lui insufflait la vie. Cela s’appliquait non seulement à l’homme, mais aussi aux animaux et aux plantes. Curieusement, Aristote associa l’esprit non pas au cerveau mais au cœur, à l’opposé de son maître, le philosophe grec Platon (v. 427-347 av. J.-C.), qui associait l’esprit au cerveau.

La question au centre du « problème difficile de la conscience », comme l’a définie le philosophe australien David Chalmers (1966-), est : la matière peut-elle produire la conscience par elle-même ? Autrement dit, les sensations d’où dérive notre impression de présence au sein de ce monde peuvent-elles s’expliquer en termes seulement de courants électrochimiques ? Se peut-il que notre libre arbitre, dont nous sommes si fiers et que nous pensons exercer chaque fois que nous prenons une décision, ne soit que le produit des mêmes lois physiques qui agissent sur les particules matérielles élémentaires qui composent le corps et le cerveau ? Le matériel peut-il générer l’immatériel ?

Aristote ne faisait pas, nous l’avons vu, de distinction entre l’esprit et le corps. Sa position philosophique était « moniste ». Au XVIIe siècle, la séparation s’affirma résolument. Le philosophe René Descartes (1596-1650) formula de façon explicite la brisure entre le corps et l’esprit. Le Français avait une vue « dualiste » du monde. Pour lui, la réalité a deux formes distinctes : celle de l’esprit (ou de la pensée) et celle du monde matériel. L’esprit est pure conscience, ne s’étend pas dans l’espace et ne peut être subdivisé. En revanche, la matière est dépourvue de conscience, elle s’étend dans l’espace et peut être subdivisée. L’homme a ainsi une double nature. Il pense – d’où la fameuse formule de Descartes : « Cogito, ergo sum », « Je pense, donc je suis » – mais il est aussi pourvu d’une extension matérielle qui est son corps. Le grand problème du dualisme est d’expliquer comment une entité immatérielle comme la conscience pourrait interagir avec le cerveau fait de matière. Descartes pensait que le contact entre l’esprit et le corps se faisait en un point du cerveau appelé la « glande pinéale », une hypothèse mise à mal depuis longtemps par la science.

La conscience comme un phénomène émergent

Plus récemment, certains philosophes de l’esprit comme David Chalmers ou John Searle (1932-) ont décrit la conscience humaine comme un phénomène émergent, c'est-à-dire un produit de systèmes neuronaux qui se complexifient au cours du temps, tels les cerveaux des animaux. Seulement, la conscience ne peut pas être simplement réduite à la somme des parties du cerveau, comme les neurones ou les circuits cérébraux. Des qualités nouvelles, telle la conscience, émergent aux niveaux supérieurs qui ne peuvent être expliquées uniquement par des interactions physiques aux niveaux inférieurs. Dans cette approche, la conscience n'est pas une entité distincte, mais plutôt un phénomène émergent qui résulte des processus cérébraux complexes, produisant des expériences subjectives. Il a été suggéré qu'il pourrait y avoir eu un moment clé dans l'évolution, tel l'apparition du langage chez les premiers hominidés, ou l’apparition de structures cérébrales plus complexes, qui ont permis à la conscience de prendre pleinement son essor.

Certains scientifiques pensent que ce sont des phénomènes comme « l'intégration de l'information » par le cerveau qui sont responsables de la conscience. Une telle approche a été développée par le neurologue italien Giulio Tononi (1960-). Sa « théorie de l’information intégrée » est considérée comme l’une des approches les plus influentes et innovantes pour comprendre comment la conscience pourrait émerger à partir de la matière. Elle préconise que la conscience émerge lorsque l’information est intégrée de manière complexe et unifiée dans le cerveau, plutôt que d’être simplement le résultat de processus neuronaux individuels. Pour Tononi, la conscience n’est pas simplement le produit d’une accumulation d’informations, mais plutôt un phénomène qui dépend de la manière dont les différentes parties du cerveau interagissent et se connectent entre elles.

La théorie du panpsychisme

Une autre théorie de la conscience est le panpsychisme. Elle repose sur une hypothèse philosophique audacieuse qui soutient que la conscience ou l'expérience mentale est une propriété fondamentale de toute la matière, et non uniquement des êtres vivants ou des cerveaux complexes comme ceux des humains ou des animaux. Selon cette théorie, tous les objets de l'univers, même les plus simples et les plus élémentaires comme les atomes et les particules subatomiques, seraient doués d’une forme de « proto-conscience », bien que cette dernière puisse être très différente de la conscience humaine. En d’autres termes, notre description de la réalité doit s’élargir afin d’inclure une qualité subjective et irréductible aux composantes élémentaires de la matière. Décrire une particule seulement par sa masse, sa charge électrique et son spin n’est plus suffisant. Il faut ajouter une quantité supplémentaire appelée proto-conscience.

Le panpsychisme ne suppose pas nécessairement que toutes les formes de conscience sont identiques. La théorie postule qu’il peut exister une sorte de gradation, où la conscience des objets simples (par exemple, une pierre ou une molécule) serait beaucoup plus rudimentaire et limitée que celle des organismes complexes (comme les humains, les dauphins ou les chimpanzés). Bien que le panpsychisme ait des racines anciennes remontant à la Grèce antique, par exemple chez des philosophes comme Platon ou Aristote, il a connu un regain d'intérêt au XXIe siècle, notamment dans les cercles de la philosophie de l'esprit et de la physique théorique. Des philosophes contemporains (comme David Chalmers) ont exploré ce concept, tout comme quelques physiciens théoriques ont examiné la relation entre la conscience et la matière. Selon Chalmers, la notion d’une proto-conscience, aussi étrange qu’elle puisse paraître, reste fermement à l’intérieur des frontières de la science traditionnelle. Cette dernière a développé dans le passé un outillage mathématique qui rend compte de manière très précise des données observationnelles. Ces données du monde extérieur ont un caractère objectif, et sont décrites par des récits à la troisième personne. Chalmers suggère que d’autres types de données existent, qui ont échappé jusqu’ici aux scientifiques. Ce sont les données du monde intérieur. Elles ont un caractère subjectif et sont décrites par des récits à la première personne. La science conventionnelle continuera rendra compte des données extérieures tandis qu’une nouvelle science verra le jour afin d’expliquer les données intérieures, et en particulier la conscience.ÌýÌý Ìý

Le panpsychisme se présente donc comme une alternative à d'autres théories de la conscience, comme le physicalisme, qui soutient que la conscience émerge uniquement de processus physiques complexes, ou le dualisme cartésien, qui postule que la conscience et le corps sont deux substances distinctes. Bien que fascinant, le panpsychisme soulève des questions délicates sur la manière dont une telle forme de conscience pourrait se manifester, et sur ce que cela signifierait pour notre compréhension de la nature de la réalité. En tout cas, le panpsychisme souffre du plus grand défaut qui soit en science : pour l’instant, il n’existe aucune preuve expérimentale pour l’existence d’une telle proto-conscience.

La conscience et la mécanique quantique

La relation entre la conscience et la physique quantique a été aussi l'objet de débats et de spéculations depuis plusieurs décennies. Bien que la physique quantique soit la théorie la plus exacte jamais développée pour expliquer le comportement des particules dans le monde atomique et subatomique, sa connexion avec la conscience humaine reste floue et largement dépourvue de support expérimental. Bien sûr, toutes les structures matérielles, y compris le cerveau, sont composées de particules subatomiques dont le comportement est régi par les lois de la mécanique quantique. Il est donc naturel de penser que la physique quantique sous-tend la réalité physique de toute chose, y compris la conscience.

Mais plusieurs courants de pensée ont suggéré un lien encore plus profond entre conscience et mécanique quantique. Contrairement à la physique classique qui décrit un monde déterministe, la physique quantique utilise des probabilités pour décrire la réalité. Elle nous révèle un monde dont le comportement est contre-intuitif et défie parfois le bon sens. Par exemple, elle nous dit que l’acte d’observer une particule influence directement son état. Avant la mesure, la particule revêt son habit d’onde et peut exister à plusieurs endroits à la fois : on dit qu’elle est dans une superposition d’états quantiques. Mais lorsqu'elle est mesurée, la fonction d’onde « s’effondre », la particule « choisit » un état particulier et se retrouve à un seul endroit.

La conscience et l’effondrement de la fonction d’onde

Cette idée, basée sur l’ « effondrement » de la fonction d’onde causé par l’acte de mesurer, a été utilisée par plusieurs scientifiques pour relier la mécanique quantique à la conscience. Selon l’interprétation de Copenhague, l'observation joue un rôle essentiel dans la détermination de l'état d'un système quantique. Il s’agit de savoir comment un tel système, qui existe dans une superposition de plusieurs états, se réduit à un seul état lorsqu'on le mesure. Le physicien hongro-américain Prix Nobel de physique 1963 Eugene Wigner (1902-1995) a suggéré que c’est justement la conscience qui est responsable de cet effondrement de la superposition quantique de plusieurs états en un seul état. En d'autres termes, la conscience humaine jouerait un rôle fondamental dans la création de la réalité.

Que nous disent les observations et expériences ? Elles nous racontent que si un système quantique est mesuré, que ce soit par un être conscient ou par une machine sans â³¾±ð, il quitte son état probabiliste pour devenir une réalité concrète bien définie. Ce sont donc bien les interactions avec l’instrument de mesure et non pas la conscience qui sont responsables de cette transition. Mais on pourrait répliquer que pour vérifier les résultats, la conscience de l’expérimentateur doit intervenir. Il n’existe donc pas de preuve irréfutable que la conscience de l’expérimentateur ne joue aucun rôle quantique spécial.

Le physicien américain John Wheeler (1911-2008) a poussé à l’extrême ce concept du lien entre la mesure quantique et la conscience, en l’appliquant à l’univers tout entier. Il a avancé l’idée que l’homme participe par sa présence dans le cosmos, à travers une mystérieuse interaction rétroactive, à la genèse même de l’univers, un concept que le physicien a appelé le « principe anthropique participatif ». D'après ce principe, la présence d'un observateur est nécessaire pour que l'univers existe. En d'autres termes, la conscience doit avoir existé avant l'apparition du monde physique. L'univers n'est pas là, une fois pour toutes, en dehors de nous, mais la participation de la conscience humaine en fait une réalité. Pour Wheeler, l'univers n'existe pas indépendamment des observateurs, et les lois fondamentales qui gouvernent l'univers sont en quelque sorte incomplètes sans la participation active de la conscience humaine.

La conscience et la gravité quantique

D’autres théories ont tenté de lier la physique quantique à la conscience. Une qui a attiré quelque attention, mais qui reste controversée, est la « théorie de la réduction objective » élaborée par le mathématicien britannique Prix Nobel de Physique 2020 Roger Penrose (1931-). Penrose a introduit le concept de réduction objective (Objective Reduction, ou OR) comme élément-clé de sa théorie. Comme nous l’avons vu, en physique quantique, un état quantique est décrit par une superposition de plusieurs états, et la réduction de cette superposition à un seul état est généralement interprétée comme étant causée par l'observation ou la mesure. Cependant, Penrose propose que la réduction de l'état quantique qui se manifeste par l’« effondrement » de la fonction d'onde, pourrait se produire indépendamment de l'observation (d’où le mot « objectif »), selon un mécanisme intrinsèque qui dépend de la gravité et d’effets relativistes. En d'autres termes, la conscience pourrait être liée à un processus fondamental qui n'est pas seulement lié à la mesure et l'observation, mais qui est aussi régulé par des phénomènes physiques, comme la gravité à l'échelle quantique. Penrose, en collaboration avec le neurologue Stuart Hameroff (1947–), a suggéré que des structures dans les cellules neuronales appelées « microtubules », pourraient être des sites où ces phénomènes quantiques se produisent. La superposition et l’effondrement de la fonction d’onde quantique dans ces microtubules permettrait à des états de conscience d'émerger.

Le lien entre la conscience et la physique quantique reste un sujet ouvert et spéculatif. Il n'existe à ce jour aucune preuve directe que la mécanique quantique joue un rôle dans la conscience. Au contraire, une telle hypothèse soulève des difficultés du point de vue expérimental. D’abord, les échelles ne concordent pas. La plupart des phénomènes quantiques observés se produisent à des échelles atomiques ou subatomiques (la taille d’un atome est de l’ordre 10-8 centimètre), bien inférieures aux dimensions biologiques du cerveau. De plus, à des températures corporelles normales, les effets quantiques tels que la superposition et l'intrication sont rapidement détruits à cause de l'interaction avec l'environnement, ce qu’on appelle la « décohérence » quantique. Ainsi, la physique quantique, avec ses paradoxes et ses phénomènes contre-intuitifs, peut effectivement offrir des pistes valables pour comprendre certains aspects de la conscience, mais ces pistes demeurent à ce jour principalement théoriques et n’ont jamais été testées expérimentalement.

La conscience émerge-t-elle de la matière ?

ÌýLa réponse à cette question que nous posions dès le début de notre propos dépend donc largement du point de vue que nous adoptons. La perspective matérialiste (ou physicaliste) maintient que tout ce qui existe, y compris la conscience, est le produit de la matière et des interactions physiques entre des particules élémentaires. Dans ce cas, la conscience n'est pas une entité distincte, mais plutôt un phénomène émergent qui résulte des processus cérébraux complexes, produisant des expériences subjectives.

Mais même si nous adoptons la thèse que la conscience émerge de la matière, et que nous pouvons expliquer les mécanismes physiques et neurologiques du cerveau, il reste des difficultés conceptuelles, notamment en ce qui concerne le « problème difficile de la conscience » de David Chalmers : nous ne savons toujours pas pourquoi et comment ces mécanismes donnent lieu à l'expérience subjective, à la « qualité » de la conscience, ce que nous appelons les qualia.

A contrario, il existe d'autres approches, tels le dualisme ou le panpsychisme, qui remettent en question l’idée que tout est matière et qui suggèrent que la conscience pourrait avoir des origines différentes, qui échappent aux lois physiques de la science conventionnelle. Ce débat est loin d’être tranché, et les recherches en neurosciences, en philosophie de l'esprit, en psychologie et en physique continuent d'explorer le profond mystère de la conscience.

Charlottesville, Virginie, le 25 Février 2025

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11 mars 2025

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