L’hydre à deux têtes n’est pas qu’un mythe
Une équipe de l’UNIGE montre que l'hydre est capable de générer deux têtes lorsqu'une pression est appliquée sur son corps.

L’hydre est une petite espèce aquatique présente dans les étangs et lacs d’eau douce. Cet animal fascine les scientifiques par sa capacité à régénérer sa tête ou son pied, lorsqu’ils sont sectionnés. Contrairement à sa cousine mythologique, l’hydre ne possède qu’une tête. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) démontre cependant qu’il est possible d’obtenir des hydres à deux têtes en exerçant une simple pression sur leur corps. Avec une méthode
similaire, elle montre également comment produire des tissus en forme de «donut». Ces travaux révèlent comment des contraintes mécaniques extérieures peuvent modifier les points de symétrie de l’organisme et influencer son développement. Ces symétries, présentes chez d’autres espèces animales plus complexes, pourraient jouer un rôle important dans l’évolution. L’étude est à découvrir dans la revue Science Advances.
Dans la mythologie grecque, l’Hydre est un monstre terrassé par Héraclès et dont chacune des neuf têtes repousse dès qu’elle est coupée. Mais l’hydre est également une petite créature aquatique de la famille des méduses, découverte au XVIIIe siècle, vivant dans les eaux douces calmes des lacs et des étangs. Mesurant seulement quelques millimètres, elle possède un pied et une tête équipée de fins tentacules. Ses extraordinaires capacités de régénération lui ont valu de partager le nom de son homonyme mythologique.
Lorsqu’une hydre est sectionnée perpendiculairement à l’axe du corps (entre le pied et la tête), elle se régénère en formant une nouvelle tête. En exerçant une légère compression des tissus régénérant la tête, une équipe dirigée par Aurélien Roux, professeur ordinaire au Département de biochimie de la Section de chimie et biochimie de la Faculté des Sciences de l’UNIGE, a réussi à induire la formation d’hydres viables à deux têtes. Un phénomène qui n’avait jamais été observé auparavant.
Une hydre à deux têtes, produite par pression sur le corps sectionné de l'animal, capturant des artémias introduites dans le milieu pour se nourrir.
Grâce à un «défaut topologique»
«À l’intérieur de l’hydre, les filaments d’actine sont disposés parallèlement le long de l’axe pied-tête et convergent au niveau de la tête pour former un ‘‘défaut topologique’’ dans le réseau d’actine», explique Yamini Ravichandran, post-doctorante dans l’équipe d’Aurélien Roux et première autrice de l’étude. «Notre travail montre que ces défauts topologiques dans l’ordre de l’actine jouent un rôle central dans la régénération de la tête, agissant comme des organisateurs mécaniques».
Par simple pression
En appliquant, à l’aide d’un gel d’agar pendant quatre jours, une légère pression le long du corps sectionné de l’hydre, les scientifiques ont induit deux défauts topologiques, conduisant à la formation de deux têtes. Pour vérifier si un défaut crée une tête, les chercheurs et chercheuses avaient l’intention de supprimer ces défauts et d’observer si l’animal pouvait encore se régénérer. Cependant, il existe une contrainte difficile à surmonter, à savoir la topologie. Des lignes parallèles sur une sphère créent toujours deux défauts: les pôles de la sphère. Pour les éliminer, une pression parallèle aux filaments d’actine les fait fusionner et disparaître, formant un tissu en forme de «donut», qui ne peut pas régénérer de tête et finit par mourir de faim. La topologie du «donut» est unique, car c’est la seule qui puisse accepter aucun défaut et qui soit absente en biologie.
L’hydre est un modèle d’étude précieux en raison de son réseau d’actine facilement observable, mais les résultats obtenus sont applicables bien au-delà de cette espèce. Jusqu’à présent, la manière dont les cellules et les tissus coordonnent les forces qui façonnent les organismes n’est pas bien comprise. Le concept proposé est que la génétique détermine le destin des cellules, qui à leur tour dictent les forces qui façonnent les tissus. Cette étude montre que les facteurs génétiques et la mécanique des tissus sont couplés - et agissent donc au même niveau - pour former une tête correcte chez l’hydre. Comme le souligne Aurélien Roux, «ces résultats offrent de nouvelles perspectives sur les signaux mécaniques qui guident la réparation et la régénération des tissus, avec des implications potentielles pour la compréhension de ces processus dans d’autres organismes».
Vidéo par microscopie de fluorescence montrant la régénération d’un tissu sectionné en hydre à deux têtes. Les fibres musculaires ordonnées sont visibles.
Vidéo par microscopie de fluorescence montrant la génération d’un tissu sectionné en anneau qui ne se régénère pas. Les fibres musculaires ordonnées sont visibles.