- Vie académique
La Faculté de médecine travaille à une meilleure durabilité environnementale
Les défis écologiques et les enjeux de santé sont aujourd’hui étroitement liés: la qualité de l’environnement impacte directement la santé humaine et animale. Le secteur de la santé lui-même contribue de manière non négligeable aux dégradations environnementales. Afin d’évaluer et de réduire cet impact tout en préservant la qualité de l’enseignement et de la recherche, la Faculté de médecine de l’UNIGE a lancé le projet PERFoRMed. Soutenu par la Fondation privée des HUG, il vise à estimer l’impact environnemental du Centre médical universitaire (CMU) et des activités qui y sont menées, ainsi qu’à renforcer la prise en compte de ce sujet dans l’enseignement.
Numéro 53 - juin 2025

© Olivier Zimmermann, UNIGE
Le système de santé suisse émet près de 7% de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre du pays, soit plus, par exemple, que le trafic aérien «Et pourtant, ce sujet n’est que peu mis en avant alors que les problèmes de santé qui en découlent sont en nette augmentation», indique Johanna Sommer, professeure à l’Institut de médecine de famille et de l’enfance (IuMFE) de la Faculté de médecine et initiatrice de ce projet avec Yves Jackson, professeur au Département de santé et médecine communautaires et médecin responsable de l’Unité de médecine et soins dans la communauté (UMSCOM) aux HUG.
«Qu’en est-il ici même, au CMU, où nous formons la relève médicale, et où des dizaines de laboratoires travaillent à mieux comprendre et soigner les maladies?», ajoute Antoine Geissbuhler, doyen de la Faculté de médecine. «Nous avons décidé, logiquement, de commencer par un état des lieux sur lequel construire une vision stratégique solide. Les HUG y travaillent depuis 2020, il me paraît donc essentiel que nos deux institutions puissent coordonner leurs actions pour atteindre des objectifs communs.»
Trois axes pour une médecine moins énergivore
PERFoRMed a vu le jour en octobre 2024. Porté par Raphaël Tornare, collaborateur scientifique, le projet se déploie sur trois axes: estimer l’empreinte carbone de la Faculté, encourager la durabilité des laboratoires, et enfin renforcer l’enseignement en la matière. «Sous l’impulsion d’un groupe d’étudiant-es, nous avons lancé il y a 4 ans un cursus longitudinal en santé planétaire», détaille Yves Jackson. «Outre des cours dédiés, nous visons à inclure un angle «environnement» dans les cours déjà existants, en médecine humaine, mais aussi en médecine dentaire et en sciences biomédicales, en commençant par un inventaire détaillé de ce qui se fait déjà.» L’implication des étudiant-es est également une pierre angulaire de cet enseignement. «Le Bachelor en sciences biomédicales propose depuis peu un cours intégré sur 3 ans, le cours «Planète Biomed». Son objectif est de développer des fiches éco-labos pour inciter les équipes de recherche à adopter des pratiques réduisant les émissions des laboratoires.»
Raphaël Tornare a commencé son étude par le bâtiment et les laboratoire. «Le CMU est l’un des bâtiments à l’impact environnemental le plus élevé des bâtiments publics de l'État de Genève», note-t-il. «Si l’on va dans le détail, il s’avère que l’ancienne partie, inaugurée en 1981, est une réelle passoire énergétique, alors que la nouvelle partie est beaucoup plus sobre, notamment grâce à des systèmes d’économie d’énergie et de récupération des eaux de pluie.» Le bilan global des bâtiments passe également par les habitudes de celles et ceux qui y passent leurs journées. , encore disponible, vise ainsi à mieux comprendre leur mobilité.
Repenser les habitudes de laboratoire
L’une des principales sources d’émissions provient des activités de recherche, notamment en raison de la quantité et du type de matériel utilisé. «J’ai commencé à enquêter auprès des équipes de recherche afin d’avoir une idée précise des problématiques», indique Raphaël Tornare. «Une majorité des scientifiques estiment que leurs activités de recherche ont un impact environnemental modéré à significatif. Or, une dans Nature indique qu’à surface équivalent, un laboratoire de recherche consomme 10 fois plus qu'un bureau conventionnel.»
«Dans le sillage du cours «Planète Biomed», l’objectif sera de proposer des stratégies de réduction d’émissions sans enfreindre aux bonnes pratiques et à la sécurité biologique, en agissant par exemple sur le matériel à usage unique», explique Raphaël Tornare. Des choix tels que l’utilisation de matériel en verre réutilisable plutôt qu’en plastique à usage unique sont importants, ou encore l’optimisation de l’utilisation des congélateurs à ultra-basse température, qui comptent parmi les plus gros consommateurs d’électricité en laboratoire. «Augmenter leur température de –80 °C à –70 °C permettrait de réduire leur consommation d’environ 30%, sans compromettre la conservation des échantillons. Pour donner un ordre de grandeur, un seul congélateur de ce type peut consommer autant qu’un foyer moyen de quatre personnes.»
Vers une stratégie institutionnelle
Un premier rapport, assorti de recommandations, sera finalisé d’ici à la fin de l’année. Sur cette base et de concert avec la politique institutionnelle, la Faculté travaillera à la définition d’une stratégie adaptée à ses particularités. «Le Rectorat de l’UNIGE reconnaît l’importance de ces questions, de même qu’un nombre croissant d’autres institutions académiques suisses», ajoute Johanna Sommer. «Il reste beaucoup à faire dans tous les champs de la médecine mais ce premier pas est une impulsion vers une réelle prise en compte de la nécessité d’une médecine plus écologique.»

Raphaël TORNARE est titulaire d’un bachelor en sciences biomédicales de l’Université de Fribourg et d’un master en sciences biomédicales de l’UNIGE. Durant son master, il effectue deux stages, l’un à l’Institut de santé globale de la Faculté de médecine où il effectue une évaluation du bilan carbone du système de santé genevois, l’autre au sein du Pôle responsabilité sociale et environnementale des HUG. Il est depuis 2024 collaborateur scientifique et chef du projet de durabilité environnementale pour la Faculté de médecine.