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La transplantation combinée à l’immunothérapie pour guérir le cancer du foie

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est le cancer du foie le plus fréquent en Suisse et dans le monde. L’immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI) et la transplantation hépatique (lire ci-dessous) représentent des solutions efficaces pour le traiter. Leur combinaison pourrait rimer avec une rémission totale de ce cancer pour les personnes éligibles. Cependant, l’immunothérapie pose un défi de taille, car elle entraîne une augmentation du taux de rejet du greffon. Une étude internationale, coordonnée par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE), démontre qu’un intervalle d’au moins 50 jours entre l’arrêt des ICI et la transplantation du foie permet de réduire significativement ce risque. Ces résultats, publiés dans la revue , constituent un espoir significatif de guérison pour les personnes concernées.

© Veronika Mertens de «Mertens Design Lab» 

 

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) représente environ 80 à 90 % des cas de cancer primaire1 du foie. À l’échelle mondiale, 905 700 nouveaux cas et 830 200 décès ont été enregistrés en 2020, selon l’Organisation mondiale de la santé. En Suisse, l’Office des statistiques répertorie 960 nouveaux cas et 720 décès chaque année. Le CHC est la troisième cause de décès par cancer dans le monde et la cinquième en Suisse.

Immunothérapie et transplantation hépatique

Parmi les traitements disponibles, la transplantation hépatique demeure une solution curative efficace pour les personnes éligibles. Plus récemment, l’immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI), qui stimule le système immunitaire des patients et patientes pour attaquer les cellules cancéreuses, a fait son apparition. Les résultats sont très prometteurs : une réponse favorable dans un tiers des cas allant jusqu’à une disparition complète des tumeurs pour certains patients et patientes. Face à cette efficacité, les traitements par ICI sont progressivement reconnus comme la première ligne thérapeutique pour le CHC avancé.

Combiner les traitements

Aujourd’hui, la réponse offerte par l’ICI n’est pas durable, car l’arrêt du traitement pourrait entraîner une récidive du cancer. « Pour y faire face, l’idée est de combiner immunothérapie et transplantation, soit greffer un nouveau foie aux personnes ayant bénéficié d’une ICI. Elles pourront ainsi potentiellement se débarrasser de leur cancer et de leurs maladies du foie sous-jacentes. », indique le Dr Beat Moeckli, médecin chef de clinique au Service de chirurgie viscérale des HUG, chef de clinique scientifique au Département de chirurgie de la Faculté de médecine de l’UNIGE et premier auteur de l’étude. Malheureusement, l’utilisation de l’ICI expose les patients et patientes à un risque accru de rejet rapide du greffon. « L’immunothérapie stimule le système immunitaire, afin qu’il reconnaisse les tumeurs comme des corps étrangers. Dans le cas d’une greffe, les cellules immunitaires ainsi stimulées vont aussi potentiellement attaquer le greffon avec plus d’efficacité. Nous devons donc arrêter les ICI avant la greffe afin de réduire ce risque. », poursuit-il.

Déterminer la fenêtre thérapeutique optimale, soit l’intervalle entre l’arrêt des ICI et la transplantation du foie, est donc essentiel pour concilier les deux approches. Afin de la définir, une équipe internationale pilotée par les HUG et l’UNIGE a mené une étude rétrospective impliquant 29 centres hospitaliers en Europe, en Asie et en Amérique. Au total, les données de 119 personnes atteintes de CHC ayant reçu une immunothérapie avant transplantation hépatique ont été analysées, par l’équipe genevoise, pour évaluer l’incidence du rejet de la greffe, la perte du greffon et la récidive post-transplantation.
Un intervalle optimal

Les résultats indiquent que plus l’intervalle entre la dernière prise d’ICI et la greffe est court, plus le risque de rejet est élevé. Un intervalle inférieur à 30 jours multiplie le risque de rejet par 21,3. Entre 30 et 50 jours, le risque n’est augmenté que par 9,54. En revanche, un intervalle supérieur à 50 jours est associé à un taux de rejet nettement réduit. « Nos travaux montrent que 50 jours constituent l’intervalle optimal. En deçà, le risque de rejet est trop élevé ; au-delà, la maladie peut progresser », précise le Pr Christian Toso, médecin chef du Service de chirurgie viscérale des HUG, professeur ordinaire à l’UNIGE et auteur principal de l’étude.

Une avancée pour la transplantation hépatique

Grâce aux travaux préalables du Pr Christian Toso, les HUG jouent un rôle central dans l’optimisation des critères d’éligibilité pour la transplantation hépatique en cas de CHC. En effet, ils ont contribué à définir des modèles intégrant des biomarqueurs et le volume tumoral total pour la sélection des patients et patientes et la réduction du risque de récidive. Cette nouvelle étude permet désormais de faciliter l’intégration de l’immunothérapie dans le parcours des candidats et candidates à une greffe et positionne définitivement les HUG comme un centre d’excellence mondial en la matière.
Cette recherche marque une étape cruciale vers l’établissement de recommandations officielles pour la transplantation hépatique chez les personnes sous immunothérapie. « Elles sont désormais essentielles et vont certainement aboutir prochainement. Notre étude constituera un élément central pour augmenter l’accès aux transplantations et ainsi augmenter le taux de rémission », conclut le Dr Beat Moeckli.

 

[1] Primaire se rapporte à l’organe ou au site anatomique où la progression tumorale a commencé.

6 mars 2025

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