Cancers du sang: prédire le succès des transplantations
Une équipe de l’UNIGE et des HUG a identifié les caractéristiques génétiques clés de la compatibilité des greffes de cellules souches produisant les cellules du sang.

© Istock. Représentation de l’interaction ADN - cellules.
La transplantation de cellules souches hématopoïétiques issues de personnes saines est l’un des traitements possibles des cancers du sang. En Suisse, elle concerne près de 300 malades par an. Cependant, près de la moitié des transplantations échouent notamment en raison des complications liées à une compatibilité génétique imparfaite entre le/la donneur/donneuse et le/la receveur/euse. En comparant, avec un niveau de précision génétique inédit, le profil de près de 1250 binômes donneur/donneuse–patient/patiente aux résultats cliniques des greffes, une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en collaboration avec l’ensemble des centres suisses de transplantation de cellules souches hématopoïétiques, a démontré l’importance déterminante du système de gènes KIR pour prédire l’issue du traitement. Ces résultats, publiés dans la revue , appellent à inclure systématiquement le profilage de ces gènes pour assurer la plus grande compatibilité possible et augmenter les chances de survie.
Les cellules souches hématopoïétiques (CSH), localisées dans la moelle osseuse, sont capables de donner naissance à toutes les cellules spécialisées qui composent le système sanguin. Lors de cancers du sang - leucémies ou lymphomes notamment - l’une des thérapies possibles est la transplantation de CSH. Elle consiste à remplacer les CSH malades par des CSH issues d’une donneuse ou d’un donneur sain pour reconstituer les cellules sanguines, mais aussi développer de nouvelles cellules immunitaires capables de cibler et détruire les cellules tumorales.
Nous avons identifié quels sont les paramètres génétiques exacts à prendre en compte afin de maximiser les chances de succès.
«Le succès de ce traitement dépend de la compatibilité génétique entre le/la donneur/euse et le/la receveur/euse, et de la réaction du système immunitaire du ou de la malade face aux cellules greffées», indique Jean Villard, professeur ordinaire au Département de médecine et au Centre de recherche sur l’inflammation de la Faculté de médecine de l’UNIGE et responsable de la Plateforme des laboratoires de thérapie cellulaire et de transplantation des HUG, qui a dirigé ces travaux. «Au cœur de ce mécanisme se trouve le système HLA, un ensemble de gènes régissant des protéines qui permettent au système immunitaire de distinguer les cellules saines des cellules malades, infectées ou provenant d’un autre individu, comme dans le cas d’une greffe. Mais d’autres éléments sont aussi en jeu.»
Un équilibre immunitaire délicat
L’efficacité de la greffe repose donc sur un double effet: la reconstitution des cellules du sang et la production de cellules immunitaires antitumorales. «Or, cet effet dépend des interactions entre les molécules HLA de la personne malade et un autre groupe de protéines, les récepteurs KIR, présents sur les cellules transplantées», souligne Antonia Schäfer, médecin chercheuse dans le laboratoire du Pr Villard et première auteure de cette étude. «Quels sont les profils KIR les plus efficaces pour reconnaître les cellules cancéreuses et ainsi limiter les risques de rechute? C’est toute la question.» La complexité du système KIR-HLA, combinée à une grande variabilité génétique entre les individus, rend cependant l’étude de ces interactions particulièrement difficile.
En se penchant sur 1247 paires de personnes donneuses et receveuses, l’équipe de recherche a réalisé un génotypage haute résolution des gènes KIR des premières, puis a analysé l’impact des interactions KIR-HLA sur le devenir des malades, en termes de survie, de progression du cancer et de survenue d’effets secondaires graves où les cellules transplantées s’attaquent à l’organisme hôte. «En examinant les profils KIR à un niveau de précision jamais atteint précédemment, nous avons identifié quels sont les paramètres génétiques exacts à prendre en compte afin de maximiser les chances de succès», s’enthousiasme Antonia Schäfer. «Nos résultats démontrent que la sélection des meilleures cellules doit reposer non seulement sur la compatibilité HLA, comme c’est le cas actuellement, mais aussi sur celle des paramètres KIR, dont le rôle a été jusqu’ici très sous-estimé.»
Vers une médecine personnalisée en transplantation
Lorsque les malades n’ont pas de fratrie compatible, les médecins font appel aux personnes incluses dans des registres nationaux ou internationaux qui réunissent près de 40 millions de volontaires. Cette découverte permettra d’identifier les profils immunogénétiques optimaux. «Nous appelons ainsi à généraliser le génotypage KIR haute résolution afin de choisir la meilleure personne pour chaque malade et ainsi améliorer ses chances de survie après la transplantation», concluent les auteur-es.
Ce projet a été soutenu par la Fondation privée des HUG, la fondation Swiss Red Cross Humanitarian et par un fonds Tandem de l’ISREC.