Projets transversaux
Façonner le consensus : dynamiques de pouvoir et pratiques diplomatiques en Europe médiévale et moderne
ERC/FNS Advanced Grant (TMAG-1_225793/1) - 2025-2030
Direction du projet : Prof. Noëlle-Laetitia Perret
Présentation du projet
Ce projet retrace l’histoire de la notion de « consensus » dans le domaine de la diplomatie en Europe occidentale, du XVe au XVIIe siècle, en s’appuyant sur un corpus de traités consacrés à la figure de l’ambassadeur et à l’art de négocier.
L’objectif est d’analyser comment la notion de consensus – comprise à la fois comme accord politique, harmonie sociale et construction d’une volonté commune – a été progressivement formulée, théorisée et mise en pratique dans des contextes de négociation très divers, marqués par des jeux d’alliances, des conflits de légitimités ou des dynamiques de pouvoirs.
Au Moyen Âge, le consensus est étroitement associé à des notions telles que concordia, assensus, pactum, unitas, qui expriment des valeurs d’unité, de charité, d’amour ou de concorde. Ces termes, souvent employés de manière interchangeable, traversent des écrits religieux, philosophiques, juridiques et politiques. Le sens moderne du consensus — celui d’une opinion collective partagée ou d’une formulation acceptable de la volonté commune — s’est façonné au fil des siècles, en particulier à l’époque moderne.
En croisant l’analyse des traités d’ambassadeurs avec d’autres formes d’écrits diplomatiques ou politiques (instructions, dépêches, correspondances, législation statutaire, miroirs des princes), le projet vise à identifier les conditions de formation du consensus, les compétences que celui-ci exige, ainsi que les usages pratiques qu’en font les diplomates. Ces traités, rédigés pour la plupart par des praticiens expérimentés, articulent expérience personnelle et élaboration normative ; ils constituent un observatoire précieux pour comprendre comment le consensus devient un véritable outil de gouvernement, de légitimation et de résolution des conflits.
Alors que les historiens de la diplomatie se sont jusqu’ici davantage concentrés sur la négociation, la médiation ou la construction de la paix, ce projet entend faire du consensus lui-même l’objet d’une enquête à part entière. Il s’inscrit ainsi dans une perspective interdisciplinaire et diachronique, qui interroge les dynamiques de coopération et les dispositifs de légitimation à l’œuvre dans les relations internationales à l’époque médiévale et moderne.
Forging consensus: dynamics of power and diplomatic practices in Medieval and Modern Europe
ERC/FNS Advanced Grant (TMAG-1_225793/1) - 2025-2030
Project management : Prof. Noëlle-Laetitia Perret
Project Overview
This project examines a corpus of treatises dedicated to the figure of the ambassador and the art of negotiation, in order to trace the history of the notion of 'consensus' in the field of diplomacy in Western Europe from the 15th to the 17th century.
The aim is to analyse how the concept of consensus — understood as political agreement, social harmony and the formation of a shared will — was gradually developed, explained and implemented in various negotiation contexts influenced by changing alliances, disputes over legitimacy and power relations.
In the Middle Ages, the concept of consensus was closely associated with ideas such as concordia, assensus, pactum and unitas. These terms conveyed values such as unity, charity, love and concord. These terms were often used interchangeably and appeared in religious, philosophical, legal and political writings. The modern sense of consensus, as a shared collective opinion or an acceptable expression of common will, emerged gradually over the centuries, particularly during the early modern period.
The project combines the analysis of ambassadorial treatises with other forms of diplomatic or political writing, such as instructions, dispatches, correspondence, statutory legislation and mirrors for princes, to identify the conditions under which consensus could be established, the skills required and how diplomats put it into practice. Written primarily by seasoned practitioners, these treatises blend personal experience with normative analysis, providing a valuable perspective on how consensus evolved into a legitimate instrument of governance, legitimisation, and conflict resolution.
While historians of diplomacy have tended to focus on negotiation, mediation or peacemaking, this project aims to place consensus itself at the centre of enquiry. Adopting an interdisciplinary and diachronic perspective that considers both texts and practices, it seeks to shed new light on the political, social and intellectual mechanisms that underpinned forms of cooperation in the international relations of medieval and early modern Europe.
Équipe et partenariats
Le projet réunit une équipe internationale de chercheuses et chercheurs issu·es des domaines de l’histoire, des sciences politiques, de la philologie, de la philosophie et des humanités numériques. Il repose sur l’implication de doctorant·es, de postdoctorant·es et de collaborateur·ices rattaché·es à l’Université de Genève, et s’appuie sur un large réseau de collaborations internationales.
- Noëlle-Laetitia PERRET : professeure associée, directrice (PI) du projet Forging Consensus (2025-2030). Elle assure la direction scientifique globale du projet, coordonne les axes de recherche, encadre l’équipe (doctorant·es, postdoctorant·es, collaborateur·ices) et pilote l’analyse des traités d’ambassadeurs du XVe siècle. Elle est également responsable du suivi méthodologique, de l’élaboration des cadres comparatifs, de la structuration du corpus et de la valorisation des résultats, tant sur le plan académique que dans les humanités numériques.
- Gavino SCALA : collaborateur scientifique en charge de la conception, de l’adaptation et de la mise en œuvre des protocoles d’analyse lexicale et sémantique appliqués à l’étude diachronique du concept de consensus. Son travail inclut la sélection et l’encodage des textes, la lemmatisation, l’alignement sémantique et l’extraction de réseaux lexicaux, en lien avec les humanités numériques.
Dans le cycle du Bon Gouvernement peint par Lorenzetti à Sienne (1338–1339), la figure de Concordia symbolise le consensus civique : elle unit les citoyens par une corde issue de la Justice, métaphore d’une volonté commune construite. Le rabot posé sur ses genoux illustre le travail d’équité nécessaire pour aplanir les inégalités. La fresque montre que la concorde sociale repose sur un effort de médiation et d’équilibre. Cette allégorie illustre avec force les dynamiques que le projet Forging Consensus cherche à mettre en lumière : le consensus y apparaît comme un processus actif de régulation, d’équilibre et de légitimation, au sein de l’espace civique comme entre entités politiques.