Lundi 13 mai 2024: Massimo Danzi:Entre Europe chrétienne et monde islamique. Hassan al-Wazzân (Léon l’Africain) et la première Descrizione dell’Africa
La figure de Hassan al-Wazzân est surtout connue du grand public à travers le roman de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf (1986). Né à Grenade, mais réfugié dès son enfance au Maroc après la « reconquête » de la ville par les Rois Catholiques (1492), Hassan reçoit une éducation de haut niveau qui l’amène à étudier la théologie et le droit. Il connaît les langues sémitiques ainsi que le grec et le latin. À partir de Fès, où il est au service du Sultan et de son oncle qui travaille à la cour, il voyage dans l’Afrique septentrionale (jusqu’au Caire) et subsaharienne, régions dont il donnera des descriptions directes après des siècles de connaissance uniquement « littéraire ». En 1518, Hassan est capturé par des corsaires chrétiens qui l’emmènent à Rome et l’offrent au pape Leon X de Médicis. La cour pontificale prend vite la mesure de la personnalité intellectuelle de Hassan. Le pape le fait baptiser et lui donne même son propre nom : Hassan devient ainsi Giovanni Leone de’ Medici et sera connu peu après en Occident sous le nom de « Léon l’Africain ».
C’est à Rome, où il vit jusqu’en 1527, qu’il écrit sa Descrizione dell’Africa, texte conservé en italien dans un seul manuscrit romain. Il y a quelques mois, le philologue Andrea Donnini en a procuré la première édition critique commentée (trois volumes parus aux éditions Roma nel Rinascimento, Rome, 2023). Outre le manuscrit de Rome, cet ensemble propose l’édition princeps donnée en 1550 par le grand géographe vénitien Giovanni Battista Ramusio ainsi qu’une riche documentation concernant le texte et la biographie de l’auteur. Nous disposons ainsi, pour la première fois, de toute la documentation relative à cette première représentation de l’Afrique, un continent profondément méconnu dans l’Europe de la Renaissance.
Et l’occasion nous est donnée de mener une réflexion sur ce texte fondateur de la nouvelle géographie et sur les enjeux politiques et culturels qu’il implique, dans le contexte plus large d’une confrontation séculaire entre l’Europe chrétienne et le monde musulman.