Semaine des droits humains
Mot du président
Nous vivons une époque de bouleversements politiques majeurs à l’échelle globale. Les régimes autoritaires se multiplient et leurs dirigeants privilégient la discipline collective au détriment des libertés individuelles. Lorsqu’un système politique en vient à emprisonner impunément des individus simplement parce qu’ils expriment des opinions divergentes ou à tolérer une répression arbitraire sous prétexte d’efficacité sécuritaire, c’est l’État de droit, un des piliers fondamentaux du fonctionnement démocratique, qui est remis en question. La démocratie se retrouve alors sérieusement menacée.
Par définition, le principe d’État de droit garantit à tout.e citoyen.ne le droit d’être défendu.e d’éventuels abus commis par l’État par les autorités publiques, policières et militaires d’un pays. Dans un État de droit nous sommes toutes et tous égales et égaux devant la loi, une loi qui s’insère dans le cadre d’un système où les normes juridiques suivent une hiérarchie préétablie au sommet de laquelle siègent des valeurs normatives définies au sein d’une Constitution. Ce système détermine les droits individuels que nous accorde la communauté politique dans laquelle nous vivons, ainsi que les devoirs qu’elle nous impose. L’État de droit refuse ainsi le concept de pouvoir absolu et arbitraire. C’est ce qui nous rend citoyen.ne.s et non pas sujet.te.s.
Les menaces sur l’État de droit sont des défis qui affaiblissent les principes fondamentaux d’une société démocratique, comme la séparation des pouvoirs, la justice indépendante, la protection des droits humains et la transparence dans la gouvernance. Ces menaces peuvent provenir de diverses sources, tant internes (autoritarisme croissant ; atteintes à l’indépendance judiciaire ; réduction des libertés civiles ; corruption ; populisme et nationalisme excessifs ; réduction de la participation citoyenne), qu’externes (ingérence dans les processus électoraux, diffusion de fake news, cyberterrorisme, support à des mouvements autoritaristes).
Particulièrement attentive aux risques liés à l’affaiblissement de l’État de droit pour des raisons historiques, la République fédérale d’Allemagne a inscrit à l’article premier de sa Loi fondamentale que : « [l]a dignité humaine est inviolable… ». Afin de garantir durablement ce principe essentiel, l’alinéa 3 de l’article 79 de cette même constitution instaure une « clause d’éternité » en ces termes : « Toute modification de la présente Loi fondamentale, affectant les principes énoncés aux articles 1 et 20, est interdite ». L’histoire est néanmoins riche d’épisodes durant lesquels le droit a été instrumentalisé contre la démocratie. Pour prévenir ce danger, le philosophe Jürgen Habermas insiste sur l’importance cruciale du processus d’élaboration des lois. Afin de préserver leur caractère démocratique, il est essentiel d’impliquer activement le plus grand nombre de personnes concernées dans leur conception.
À l’heure actuelle, le principe de l’État de droit se trouve de plus en plus attaqué, notamment par une partie de la droite et de l’extrême droite fascinée par des conceptions autoritaires du pouvoir. Durant les dernières années, nous avons assisté à la formulation de propos de personnalités politiques de haut niveau remettant en question la notion d’État de droit, même dans des pays affichant une longue tradition démocratique. Pour certain.e.s, cela ne représente pas une surprise. Si dans les années 1990 un remarquable regain de l’expression « État de droit » ( rule of law) a pu apparaître dans le discours juridique et politique à l’échelle internationale, un constat amer était déjà posé par un célèbre constitutionnaliste américain: « L’État de droit[...] a de nos jours fort peu de défenseurs qualifiés » (TRIBE Lawrence H., 1989. « Revisiting the Rule of Law », New York AV¶ÌÊÓÆµ Law Review vol. 64,726.). Il serait aujourd’hui bienvenu que ces potentiel.le.s défenseur.euse.s se mobilisent, tant le second mandat de Donald Trump, pour ne nous référer qu’à ce seul cas, exemplaire, apparaît comme une menace pour les droits humains à l’échelle nationale et mondiale.
Comme le précise Alain Berset, ancien Président de la Confédération Suisse, dans son premier discours au Conseil de l’Europe en 2024 : « Sans démocratie, il n’y a pas d’État de droit, et sans État de droit, il n’y a pas de respect des droits de l’homme ».
Dr. Frédéric Esposito
Président de la SDH
À propos
La Semaine des droits humains (SDH) est un événement organisé par l’Université de Genève en partenariat avec l'Académie de droit international humanitaire et des droits humains, le Département fédéral des affaires étrangères, la République et le canton de Genève et son Département d’Instruction publique, de la formation et de la jeunesse ainsi que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
Depuis sa création en 2013, sous l’impulsion de Mme Micheline Calmy-Rey, l’événement a évolué pour devenir un rendez-vous riche en événements aux formats variés : des conférences, des débats, des projections de films, des expositions, des performances artistiques, mais également un colloque académique et des activités proposées aux élèves du secondaire.
La Semaine des droits humains se veut un espace, non seulement de réflexion, mais également de débat public tout en favorisant les actions concrètes. Elle offre une tribune à des personnalités ou à des organisations qui se mobilisent pour défendre les droits humains et à des spécialistes qui consacrent leurs recherches à cette thématique. Les différents formats offrent des espaces d’échanges avec le public et la communauté estudiantine dans le but d’informer, mais également de donner l’impulsion à des engagements à plus long terme, que ce soit dans le cadre de cursus académiques ou pour agir pour les causes défendues par les différents acteurs qui sont invités à participer à la Semaine.
Organisation:
Président: Dr. Frédéric Esposito, Global Studies Institute
Présidente d'honneur: Mme Micheline Calmy-Rey
Comité de direction:
M. Ambroise Barras, Activités culturelles de l'UNIGE
M. David Ferreira, Service de communication de l'UNIGE
Mme Karen Chappuis, Étudiante au Global Studies Institute de l'UNIGE
M. Iacopo Adda, Ph. D. au Global Studies Institute de l'UNIGE
Mme Olga Hidalgo-Weber, chargée de cours au Global Studies Institute de l'UNIGE
Administration:
Mme Roswitha Zahler, Global Studies Institute