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Le voyage d'Adolphe et Isabelle Ferrière en Amérique latine en 1930

C’est une gageure ! m’a-t-on dit. – Gageure, si vous voulez ; nous partons quand même ! Et nous sommes partis, ma femme et moi, au début d’avril 1930. C’est ainsi qu’Adolphe Ferrière introduit l'article publié dans la revue Aux Écoutes, où il relate les huit mois passés en Amérique latine aux côtés de son épouse Isabelle Ferrière.

^{L'article En Amérique du Sud est paru en 1931 dans le n°4 de la revue Aux Écoutes}

Ce texte fait partie d’un ensemble de documents témoignant de cette aventure, survenue entre avril et décembre 1930. Des lettres, des notes et deux ouvrages retracent les contours de ce voyage que le couple a entrepris avec un mélange d’enthousiasme et de crainte. La distance géographique, le décalage avec la réalité européenne, ainsi que les particularités socioculturelles des pays traversés, incitent les visiteurs à une réflexion profonde sur les peuples latino-américains, consignée au fil de leur périple et après leur retour en Suisse.

C’est en 1929 que le chilien Armando Hamel, directeur de la revue La Nueva Era, organe de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle (LIEN), invite Ferrière à donner une série de conférences dans les universités de son pays. Le pédagogue genevois en profite pour envoyer des lettres à ses contacts latino-américains dans lesquelles il présente le travail des institutions qu’il représente – la LIEN et le Bureau international de l’Éducation (BIE) – propose ses services de conférencier et vérifie la possibilité d’une contribution financière à son voyage. S’ajoute ainsi à l’invitation du chilien Hamel, une proposition de l’Université de la Plata en Argentine et du gouvernement de l’Équateur, par l’intermédiaire du président de l’époque Isidro Ayora. Une fois le voyage rendu possible, le programme est encore enrichi de visites au Venezuela, au Brésil, en Uruguay, au Paraguay et au Pérou, organisées grâce aux contacts que Ferrière entretient avec de nombreuses personnalités depuis la création du Bureau international des écoles nouvelles (BIEN) en 1889.

Des documents officiels, ainsi que des correspondances échangées entre Ferrière et les membres de la LIEN et du BIE, révèlent les objectifs de ce voyage. Il s’agit de renforcer les synergies pédagogiques entre l’Europe et l’Amérique latine, de réunir de la documentation sur les expériences éducatives novatrices sur le continent sud-américain et, enfin, de promouvoir les avancées de la recherche européenne en psychologie et en sciences de l’éducation. Ferrière vise également à valoriser le travail du BIE et de la LIEN, tout en cherchant à attirer de nouveaux membres pour ces institutions.
 

Les sources attestent du développement d’une collaboration intellectuelle significative entre les institutions éducatives européennes et des acteurs latino-américains intéressés par les nouvelles tendances en pédagogie et éducation, tels que des associations, des revues mais aussi des groupes dirigeants. Pour ces derniers, les modèles et théories pédagogiques élaborés en Europe incarnent un symbole de modernité. L’accès à ces savoirs leur permettrait de les adapter à la réalité latino-américaine et d’intégrer leurs nations dans le concert des peuples considérés comme développés, cultivés, voire civilisés.
 

En Équateur, par exemple, la pédagogie active prônée par Ferrière est perçue comme une alternative prometteuse pour l’instruction des populations rurales, jugée nécessaire afin de les intégrer pleinement à la vie publique et politique du pays. Ainsi, le ministère de l’Éducation édite en espagnol les sept conférences de Ferrière, dans l’espoir que ses idées se diffusent largement parmi les enseignant.es.

^(extrait)

D'autres documents offrent un aperçu des coulisses du voyage. Parmi eux figurent les annotations de Ferrière dans son Petit journal (), des recommandations concernant son régime alimentaire, les brouillons de ses conférences, ainsi que de simples notes manuscrites relatant ses impressions et réflexions sur l’expérience vécue. Ces éléments dévoilent une dimension plus personnelle et intime de cette aventure intellectuelle.

Le voyage du couple Ferrière est aussi parsemé de surprises. En effet, le cycle de conférences prévu au Brésil n’a finalement pas lieu en raison de la « Révolution d’octobre » qui éclate alors que leur bateau approche des côtes brésiliennes.

^{Petit journal d'A. Ferrière, 23 octobre 1930}

Cette photo témoigne cependant de leur rencontre avec quelques personnalités du pays, parmi lesquelles Celina Padilha (secrétaire générale de la Fédération nationale des sociétés d’Education), Fernando Silveira (chef du laboratoire de biométrie et professeur), Chs. Rochard (fonctionnaire de l’Ambassade suisse au Brésil) ainsi que Marina Magno et Honorina Gomes (représentantes de l’Association brésilienne des professeurs).