Voir le fond des choses avec Jean-Luc Godard
Actualité de la recherche - Conférence de Stefan KristensenActualité de la recherche
Conférence de Stefan Kristensen
Assistant de recherche
±«²Ô¾±±¹±ð°ù²õ¾±³Ùés de Genève et de Heidelberg

Jean-Luc Godard incarne le cinéma à la fois comme art et comme mode d'existence. Il a développé une pratique et un discours sur cet art dont les dimensions éthiques et politiques sont intimement entrelacées avec une esthétique très spécifique. Dans mon intervention à l'Actualité de la recherche, je voudrais introduire cet entrelacement du politique et de l'esthétique chez Godard en partant d'un film réalisé en 1974 avec Anne-Marie Miéville, "Ici et ailleurs". L'enjeu de ce film est de donner à voir l'intervalle entre "ici" (la France, un ouvrier au chômage, son épouse et ses enfants) et "ailleurs" (le Proche Orient, la lutte palestinienne). La question que se posent Godard et Miéville dans ce film est à la jointure du politique et de l'esthétique et concerne la capacité de percevoir les relations et les rapports de force entre individus ou entre groupes humains (patrons - ouvriers / armée d'occupation - peuple résistant / réalisateur - acteur / homme - femme / …), relations à première vue invisibles. En ce sens, il s'agit bien de rendre visible un invisible, un invisible relationnel, concret, qui forme la trame même du visible, et si le cinéaste y parvient, il donne par là même au spectateur des outils de compréhension et d'action politiques précieux. Une telle conception a plusieurs conséquences: d'abord, elle donne à voir un film comme la description d'une possibilité d'existence; elle invite à saisir la production d'images en mouvement comme une manière d'interroger le monde réel; enfin, elle engage à repenser la relation entre art et politique.
7 mars 2014