24 mars 2022 - AC
C’est quand, le bonheur?
Donald Glowinski
Pour la cinquième année de suite, c’est la Finlande qui remporte la palme du pays le plus heureux du monde. La Suisse se classe, quant à elle, en quatrième position. À l’occasion de la Journée mondiale du bonheur le 20 mars, posait trois questions au neuroscientifique Donald Glowinski, chargé de cours à la Section de psychologie (FPSE), chercheur au Centre interfacultaire en sciences affectives (CISA) et directeur du programme de formation sur les compétences émotionnelles à l’UNIGE.
Radio Lac: On a un peu de mal à parler du bonheur avec tout ce qui se passe en ce moment. Est-ce normal?
Donald Glowinski: C’est normal de trouver ça indécent. On sort du covid, il y a une guerre à nos frontières… Est-ce le moment de parler de bonheur? Toutefois, la question du bonheur nous oblige à nous interroger sur ce qui nous rend heureux/euses, du moins sur ce qui nous permet de nous projeter dans un horizon, et si possible dans un horizon commun. Cela est vraiment essentiel.
Concrètement, a-t-on des pistes pour atteindre ce bonheur?
Il s’agit surtout de le rendre opérationnel. Des études montrent que si l’on vous demande d’être heureux/euse, c’est tout le contraire qui se passe. L’injonction au bonheur conduit à la souffrance de ne pas réussir à atteindre cet état abstrait. C’est dans ce but que les personnes développent une capacité à sentir l’instant présent (la mindfulness ou la méditation). On peut déjà commencer par essayer de comprendre pourquoi ce qui nous arrive nous touche émotionnellement, de comprendre – au lieu de s’énerver – de quoi notre colère est le signe ou encore de comprendre d’où vient le sentiment de puissance ou d’impuissance que l’on ressent.
A-t-on le droit de dire qu’on n’est pas heureux/euse?
Non seulement on en a le droit, mais il faut s’obliger à dire quand une situation ne nous convient pas. Pour pouvoir la dépasser, encore faut-il pouvoir la reconnaître. Avant le covid par exemple, dans le milieu professionnel, on essayait de composer avec l’attitude désagréable d’un-e collègue. Le covid nous a vraiment rendus à fleur de peau, on n’est plus prêt-es à accepter certaines choses. C’est important de poser une limite – une limite basse et pas toujours une limite haute – et d’affirmer que ce n'est pas négociable. Cela permet d’identifier le moment où une situation ne nous rend plus heureux/euse. C’est absolument essentiel de comprendre le processus émotionnel qui mène au fait que l’on n’est plus dans une situation de bien-être: d’une part, quand on est touché-e émotionnellement et, d’autre part, quand on n’arrive plus à comprendre les marges de progression et de pouvoir d’action qui nous permettraient justement de dépasser la situation.