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27 février 2025 - Yann Bernardinelli

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La génération Z face aux défis du genre

En Suisse, le débat sur l’égalité progresse, mais un fossé se creuse au sein de la génération Z. La Semaine de l’égalité 2025 met en lumière des divergences marquées entre les jeunes Suisses et Suissesses sur cette question.

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Illustration: Emma Serafin

Malgré des avancées depuis l’instauration de la Journée internationale des droits des femmes par les Nations unies en 1977 et l’impact global du mouvement #MeToo en 2017, une vague conservatrice mondiale semble ressurgir en matière d’égalité entre les genres. Les signes de ce retour en arrière sont nombreux: des mesures prises par le président Donald Trump, rendant illégaux les programmes liés à la diversité, l’équité et l’inclusion au sein de l’administration fédérale américaine au succès d’influenceurs glorifiant des valeurs stéréotypées de virilité – muscles, sports, voitures de luxe – tout en diffusant des discours rétrogrades sur les relations hommes-femmes. Mais qu’en est-il en Suisse? La génération Z helvète des 15-25 ans suit-elle cette tendance testostéronée? Ces questions seront au cœur de différents événements proposés dans le cadre de la Semaine de l’égalité à l’UNIGE et feront l’objet d’une conférence avec Pauline Ferrari, journaliste indépendante spécialiste de la thématique du genre, le 4mars.

Des données inquiétantes
Publié en 2024, le s’est justement focalisé sur les perceptions des 15-25 ans en la matière. Mené par la Conférence suisse des délégué-es à l’égalité (CSDE), en partenariat avec Sotomo, ce rapport révèle un écart croissant entre jeunes hommes et jeunes femmes. Les premiers semblent en effet peu conscients des enjeux d’égalité, tandis que les jeunes femmes continuent de percevoir et d’agir contre les discriminations, notamment en ce qui concerne les salaires, les opportunités de carrière et la répartition des tâches domestiques.

Klea Faniko, chercheuse et enseignante à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) et chargée de projets au Service égalité & diversité de l’UNIGE, observe que «le débat sur le harcèlement sexuel a fait basculer les mentalités et provoqué une prise de conscience. Les femmes sont désormais plus informées, osent s’exprimer et s’engagent davantage pour dénoncer les injustices.» Du côté des hommes, une évolution similaire les incite à reconnaître certains comportements comme étant inappropriés et à soutenir leurs camarades féminines dans la lutte contre le sexisme. Toutefois, le Baromètre révèle que la jeune génération masculine n’a pas pris ce pli. La majorité des jeunes hommes adopte une attitude qualifiée de conservatrice en considérant que l’égalité est acquise en Suisse. «C’est une forme de déni des inégalités, il faut le dire, car elles persistent largement», s’inquiète Klea Faniko.


La montée du masculinisme, une réalité?
Bien que ces tendances puissent sembler préoccupantes, le Baromètre de l’égalité n’indique pas que les jeunes Suisses de la génération Z adhèrent pour autant à un masculinisme radical. D’autres sondages en Europe, notamment en France, montrent toutefois des tendances plus marquées. Un retour en arrière est clairement observé, et il n’épargne pas les jeunes femmes. Le Rapport 2024 sur l’état des lieux du sexisme en France révèle, par exemple, que certaines jeunes femmes adhèrent aux stéréotypes de genre et suivent le mouvement Tradwife, abréviation de traditional wife ou «épouse traditionnelle». Ce mouvement prône un retour à des rôles traditionnels, dans lesquels les femmes se consacreraient exclusivement à leurs foyer, mariage et enfants.

Klea Faniko rappelle l’importance de ces baromètres pour mesurer ce retour en arrière et la fracture croissante entre les genres chez les jeunes générations. «Grâce à ces données, des programmes de recherche peuvent être mis en place pour, dans un premier temps, déceler les origines de ces opinions, puis établir des formations sur mesure afin d’y faire face, poursuit-elle. Actuellement, les origines de ces tendances sont inconnues. Sont-elles dues à un problème de sous-information des jeunes hommes? Au fait qu’ils soient trop jeunes pour avoir été confrontés aux inégalités sur leur lieu de travail? Préfèrent-ils tout simplement ignorer ces problèmes et voir la vie en rose, ou se sentent-ils déstabilisés par les débats sur l’égalité. La littérature recommande principalement deux solutions pour contrer le masculinisme: d’une part, souligner l’importance des hommes engagés sur ces questions, en tant que modèles et, d’autre part, contextualiser le sentiment de menace que suscite l’essor des femmes.»

L’université en première ligne
Dans le milieu académique, l’Ծé de Genève s’engage depuis 2002 à promouvoir l’égalité des genres, notamment par le biais du Service égalité & diversité. Les questions de genre font-elles face aux mêmes problématiques au sein de l’UNIGE qui accueille petit à petit les membres de la génération Z au sein de sa communauté estudiantine? Pour Juliette Labarthe, directrice du Service égalité & diversité, «la tendance est à une nette amélioration depuis plusieurs années et un retour en arrière n’est pas d’actualité». L’UNIGE se distingue toujours au niveau national en comptant le meilleur taux de femmes professeures parmi les universités suisses. «Nous avons mis en place des mécanismes robustes comme la désignation de délégués et déléguées à l’égalité lors des processus de recrutement. L’engagement de l’Ծé pour la prévention de toutes les formes de discrimination est ancré dans les textes stratégiques. Les dynamiques et mobilisations internes sont positives», avance-t-elle. De plus, un cadre légal, renforcé par une charte d’éthique et de déontologie, des hautes écoles universitaires et spécialisées de Genève établi en 2019 et une révision de la loi sur l’université en 2024 témoignent d’un engagement croissant envers l’égalité.

L’avenir dépendra justement de la capacité des institutions et de la société à dépasser ces nouvelles résistances et à encourager un dialogue ouvert et inclusif. «À la veille de la Journée internationale des droits des femmes, l’engagement et les mobilisations de notre communauté estudiantine sont exemplaires: travaux de master, stands, initiatives ou événements sont au rendez-vous… de quoi faire pâlir les résultats du Baromètre et montrer le visage égalitaire et progressiste de cette génération d’universitaires!» termine Juliette Labarthe.

Semaine de l’égalité 2025 à Genève: Focus sur la jeunesse et les enjeux de genre

Cette année, la Ville de Genève et le Service égalité & diversité de l’UNIGE s’associent pour explorer les défis liés aux jeunes et à l’égalité des genres à travers conférences, expositions et débats.

«Les idées masculinistes à l’assaut de la jeunesse»
Avec Pauline Ferrari, journaliste indépendante, et Joëlle Moret, directrice du Bureau de l’égalité de la Ville de Lausanne. En présence d’Alfonso Gomez, conseiller administratif de la Ville de Genève.
Mardi 4 mars – L’Espace Tiers-lieu d’après Genève (chemin du 23-Août 1, 1205 Genève)

Et à ne pas manquer:
5-6 mars – Exposition «Vulga Feminista», par Emma Serafin, étudiante du Master en études genre | Uni Mail
6 mars – Journée des stands par les associations estudiantines | 10h-15h | Uni Mail


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