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26 février 2025 - Alexandra Charvet

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Des étudiant-es au chevet de l’art genevois

Depuis 2020, la collection de la Société des arts fait l’objet d’un examen approfondi par des étudiant-es en histoire de l’art. Fruits de ce travail, un catalogue et une exposition, à voir jusqu’à début avril au Palais de l’Athénée, offrent un regard inédit sur ce patrimoine.

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Jean-Pierre Saint-Ours (Genève, 1752 – Genève, 1809). Autoportrait dit à la cocarde, 1795, huile sur toile. Image: Collection de la Société des arts de Genève


Saint-Ours, Jules Crosnier, Liotard… Pour qui connaît Genève, ces noms évoquent des rues familières, mais pour les amateurs/trices d’histoire de l’art, ils renvoient immédiatement à des peintres emblématiques des beaux-arts genevois. Une partie de leurs œuvres est conservée au sein de la collection de la (lire encadré), laquelle a fait l’objet d’une campagne d’études et de conservation-restauration menée conjointement par l’Unité d’histoire de l’art de l’UNIGE et le Musée d’art et d’histoire (MAH). Au terme de ce travail minutieux, l’exposition et son redonnent vie à la production artistique genevoise d’avant 1918.

«Pas moins de 143 œuvres – sculptures, peintures, pastels, peintures sur émail et miniatures – ont fait l’objet d’une étude matérielle approfondie par les étudiant-es», précise Frédéric Elsig, professeur à l’Unité d’histoire de l’art et co-commissaire de l’exposition avec Silvia Zuccherini, conservatrice de la collection de la Société des arts, et Victor Lopes, conservateur-restaurateur au MAH. Il ajoute: «Pour produire chaque notice d’œuvre, les étudiant-es ont dû mener de nombreuses recherches dans les archives et les photothèques avant de consigner leurs observations matérielles. Ce travail au plus près des œuvres constitue une expérience précieuse pour la formation de nos étudiant-es, dans la mesure où elle offre une vision très matérielle de l’histoire de l’art.»

Les notices rédigées composent l’essentiel du catalogue raisonné qui accompagne l’exposition, comblant un vide laissé depuis 1910, date de la seule publication existante sur la collection. L’histoire de l’institution et de sa collection complète le catalogue. «La production des beaux-arts à Genève a été plus importante que dans beaucoup d’autres villes. La première École des beaux-arts (1879), par exemple, y a été créée avant celles de Zurich et de Berlin. Pourtant, ce patrimoine a rarement été étudié systématiquement. Si Liotard et Saint-Ours ont fait l’objet de catalogues, de nombreux sculpteurs et peintres genevois attendent encore leur monographie.» Dans sa conclusion, le catalogue apporte de plus quelques pistes pour les politiques culturelles et patrimoniales de la Société des arts, notamment en termes de restauration, d’acquisition et d’inventaire.

Une exposition patrimoniale d’arts anciens
Afin de valoriser les résultats de la campagne menée, une cinquantaine de pièces sont présentées au Palais de l’Athénée jusqu’au 5 avril. Trois thématiques ont été retenues pour cette exposition. La première propose une histoire de l’art genevois, avec quelques pièces marquantes du paysage artistique local, exécutées par Liotard au XVIIIe siècle, Saint-Ours à l’époque néoclassique, Hornung à l’époque romantique et enfin Hodler à la fin du XIXesiècle.

Le deuxième axe de l’exposition est consacré à l’histoire des techniques artistiques. «Si le pastel s’est largement développé à Genève, la présence d’une importante industrie d’objets de luxe, notamment l’horlogerie, a favorisé l’essor de la peinture en miniature sur émail», raconte le commissaire. Les questions de recherche de la campagne d’études ainsi que les choix effectués dans la campagne de conservation-restauration forment le dernier axe de l’exposition.

Portrait caché
«La série de portraits de Jean-Pierre Saint-Ours, grand peintre néoclassique genevois, constitue le cœur de la collection. Celle-ci offre, dans son ensemble, un panorama de l’histoire de l’art genevois, à quelques exceptions notables près», observe Frédéric Elsig. La collection comprend en effet un pastel de Maurice-Quentin de La Tour représentant Théodore Tronchin, figure emblématique de la médecine du milieu du XVIIIe siècle. Attribué par erreur à Jean-Étienne Liotard, ce portrait avait été offert à la Société des arts en 1840. Ce pastel a par ailleurs été l’une des révélations de la campagne d’études. «Lorsque le cadre a été ouvert à l’occasion de sa restauration, un second pastel – un portrait féminin raté – a été découvert, révèle le professeur. Cette œuvre inachevée de La Tour vient enrichir le catalogue.» La campagne d’études a ensuite mené à la restauration d’une vingtaine de pièces, accompagnées de plusieurs mesures de conservation curative, garantissant la pérennité d’œuvres spécifiques.

Lire aussi «Pour qu’un patrimoine soit vivant, il faut l’étudier» (Le Journal de l’UNIGE, 14mars 2024)

Exposition
Entrée libre

Jusqu’au 5 avril | Palais de l’Athénée, rue de l’Athénée 2u

Promouvoir l’art à Genève

Fondée en 1776 sous le nom de Société pour l’encouragement des arts, des manufactures et de l’agriculture, la s’est donné pour mission de soutenir le développement économique local par le biais d’écoles artistiques et techniques, de concours, de bourses de voyage et de publications. Elle est ainsi à l’origine de plusieurs institutions genevoises, dont l’École d’horlogerie, l’École des beaux-arts et l’École de chimie. Elle a également lancé les premiers concours et les premières expositions d’art contemporain et a révélé au public le talent d’un grand nombre d’artistes, parmi lesquels Barthélemy Menn et Ferdinand Hodler. Le premier Musée des beaux-arts de Genève, futur Musée Rath, naît en son sein, la Société assurant alors la gestion des collections de la Ville.
À la suite de l’autonomisation de la Ville en 1842 et de la révolution radicale de James Fazy qui voyait la Société des arts comme un symbole de l’Ancien Régime, celle-ci est expulsée du Musée Rath en 1851, ne conservant que quelques œuvres, essentiellement des portraits peints qui deviendront le noyau identitaire de sa nouvelle collection. En 1863, Jean-Gabriel Eynard lui offre un nouvel écrin, le Palais de l’Athénée. Aujourd’hui encore, la Société demeure une institution très active qui stimule la production et joue un rôle dans les débats culturels.


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